GESTION DE CRISE En parallèle des opérations d’évacuation des autorités françaises qui ont permis d’exfiltrer 538 personnes du Soudan, des entreprises privées de gestion de conflit ont aussi mis des expatriés en sécurité.

AUDIO NATHALIE ROLLEY.

  • Emmanuel Macron a félicité les « forces de sécurité intérieures mobilisées » pour le succès des opérations d’évacuation de 538 personnes, dont 209 Français, du Soudan.

  • Près d’une semaine avant que les opérations menées par les autorités françaises commencent ce week-end, des sociétés privées spécialisées en gestion de crise avaient déjà engagé des exfiltrations.
  • Dans le chaos des combats qui secouent le Soudan, leurs opérations sont délicates et se poursuivent ces derniers jours.

 

Khartoum a sombré dans le chaos. Depuis le 15 avril, un conflit armé a éclaté entre deux factions ennemies, l’armée soudanaise et les Forces de soutien rapide (FSR), avec au milieu, les civils. De nombreux expatriés ont été exfiltrés par différentes autorités. La France, à elle seule, a pu mettre en sécurité 538 personnes dont 209 Français. Mercredi matin, 245 ressortissants français et étrangers ont atterri à l’aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle.

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Si les rotations aériennes entre Khartoum et Djibouti organisées par le ministère des Armées et le ministère des Affaires étrangères ont commencé dimanche dernier, des entreprises de sécurité privée spécialisées dans la gestion de crise avaient déjà lancé des opérations dès le lundi suivant les premiers combats. C’est le cas notamment de Comya Group, la société dirigée par Alexandre Benalla qui après avoir donné son accord pour une interview est brusquement devenu injoignable, Amarante, qui se définit comme le premier groupe français de sécurité, ou encore Algiz Security.

Un parcours du combattant

« Beaucoup de ces sociétés interviennent en amont de la crise », explique à 20 Minutes Philippe Chapleau, journaliste au service international de Ouest-France, et spécialiste des questions de défense. Elles sont appelées par leurs clients, notamment des assurances, des entreprises, des ONG et parfois des particuliers, pour les aider en cas de complications dans un pays étranger. En l’occurrence, le Soudan. « On est en plein dedans », résume à 20 Minutes Sascha Kunkel, le fondateur et propriétaire d’Algiz Security qui a déjà effectué une dizaine d’évacuations du pays, dont celles de Français, de résidents en France et d’Européens. « On a eu les premières demandes au tout début de la semaine dernière, poursuit-il, puis il a fallu une préparation de 48 heures pour commencer les mouvements sur place. »

Une organisation complexe dans une ville où les affrontements font régner le chaos « où rien est clair, où il n’y a aucune coordination entre les belligérants et où les chefs de guerre font ce qu’ils veulent », martèle Sacha Kunkel. Les combats sont mouvants et les risques de se retrouver dans un guet-apens sont réels. Lorsqu’il faut aller chercher les personnes « barricadées chez elles ou dans des hôtels », l’opération peut être très délicate, souligne Sascha Kunkel. Certaines évacuations se font même à pieds car la route est impraticable mais l’objectif est toujours d’accompagner le client en sécurité. Cela peut être jusqu’aux points de ralliement décrétés par les autorités françaises, jusqu’à l’aéroport, jusqu’à la frontière et même jusqu’au domicile. Mais parfois, la réalité déroge au plan. Par exemple, lors d’une mission pour une ONG, lorsque les agents de la société de Sascha Kunkel sont arrivés, il n’y avait plus personne.

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Des anciens cadres militaires sur le terrain

Tout ceci ne se fait pas dans le dos des autorités. « Dans le cadre du Soudan, ces sociétés sont obligées de travailler avec les instances officielles sur place », affirme Philippe Chapleau. En effet, selon le propriétaire d’Algiz Security, « on est en contact avec les différents gouvernements à travers les ONG avec lesquelles on travaille, on ne cache rien, ils savent très bien ce qu’on fait sur place. » Cependant, contacté par 20 Minutes, le ministère de la Défense indique ne pas avoir eu de contacts avec ces sociétés et renvoie vers le ministère des Affaires étrangères, qui n’a pas répondu à nos sollicitations.

Au-delà des liens officiels, il y a les relations informelles puisque par exemple de nombreux agents qui composent Algiz Security sont d’anciens militaires de pays européens. « Ce sont les plus entraînés à intervenir sur un terrain de crise, et ils ne sont jamais armés », précise Philippe Chapleau. La société Amarante a également été fondée par d’anciens cadres des forces armées françaises. Certaines équipes sont parfois composées d’anciens policiers ou militaires locaux. « On trouve aussi des chauffeurs de taxi, on a besoin de gens de confiance et de courage et qui connaissent les lieux », explique Sascha Kunkel.

De la sécurité même hors conflit

Cela fait maintenant 16 ans que sa société existe, et entre 25 et 30 ans que Sascha Kunkel est spécialisé dans les pays en guerre. Algiz Security a d’ailleurs participé à des évacuations en Ukraine, lorsque la guerre a éclaté début 2022, à la demande d’entreprises.

Hors période de conflits, ces sociétés de gestion de crise vont aussi participer à des exfiltrations, mais plus discrètes, comme pour des personnes malades, blessées, à des proportions bien moindres que ce qui se passe actuellement au Soudan. Ils peuvent aussi accompagner des gens sur place, par exemple des journalistes, et sécuriser le trajet retour. « On fait de la prospection, on sécurise des lieux, on fait aussi du gardiennage en France pour des entreprises et des particuliers », développe encore Sascha Kunkel. Le nombre de ces sociétés qui opèrent au Soudan ou ailleurs reste mystérieux. Certaines préfèrent rester discrètes.

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