Les violences dans le village de Kipupu, dans la province du Sud-Kivu, continuent à faire parler d’elles. Après l’attaque qui a fait plusieurs morts le 16 juillet, le bilan n’est toujours pas connu avec précision. La délégation des autorités provinciales et celle de la Monusco qui devraient se rendre sur place n’est toujours pas partie. Sur place, depuis environ une semaine, les FARDC sont arrivées, mais des habitants restent terrés dans la brousse. Cette zone est parmi les plus touchées par les violences ces derniers mois et plusieurs acteurs sont impliqués pour diverses raisons.
Avec notre correspondant à Kinshasa, Patient Ligodi
D’après plusieurs sources dans la région, l’attaque du 16 juillet est attribuée aux miliciens banyamulenge. Ces combattants seraient dirigés par Michel Makanika, un colonel FARDC qui a fait défection il y a quelques mois. L’homme connaît ses groupes de longue date. On lui attribue volontiers la renaissance des Gumino en 2012, un groupe armé banyamulenge qui s’est opposé au M23 dans le Sud-Kivu et qui aujourd’hui feraient parties des assaillants de Kipupu.
Avec l’arrivée de cet officier dans la zone, ces milices semblent parvenues à s’être réorganisées et obtenir une assistance logistique, sans que la source ne soit clairement identifiée. D’après l’armée, ces miliciens auraient établi des positions dans certains villages du groupement de Bijombo, l’un de leurs fiefs historiques.
L’attaque du 16 juillet serait peut-être une opération de vengeance. En effet, quelques jours plus tôt, un village des banyamulenge avait été attaqué par une coalition des miliciens Maï-Maï.
Des vaches ont été pillées particulièrement dans le village de Kalingi, exacerbant les tensions entre les communautés banyamulenge et les autres dont sont issus les groupes Maï-maï.
Depuis trois ans, ces cycles d’attaques-représailles empoisonnent la vie de toutes les communautés. Avec pour acteurs des groupes d’autodéfense congolais mais aussi des groupes armés étrangers, rwandais et burundais.
Un bilan humain qui reste à vérifier
Depuis, les déclarations de condamnation et les demandes d’enquête se multiplient. Cela fait des mois qu’une attaque contre des villages du Sud-Kivu n’avait pas créé autant d’émotion sur les réseaux sociaux. Le bilan annoncé par une trentaine de députés provinciaux la semaine dernière y est sans doute pour beaucoup : des députés de la région ont assuré qu’il y a plus de 220 victimes. Ce chiffre est aujourd’hui repris par tous, du parti présidentiel à l’opposition, en passant par le docteur Mukwege, prix Nobel de la paix, créant des dissensions entre communautés. Cela renvoie aux heures les plus sombres des deux guerres du Congo. C’est d’ailleurs ce que pointait le docteur Mukwege.
Une émotion sans doute aussi créée par de multiplies vidéos de corps et de victimes largement diffusées, mais leur authenticité est loin d’être prouvée. Et pour cause, même le bilan reste encore à confirmer. Depuis des jours, une mission de l’ONU et des autorités provinciales est annoncée pour tenter d’y voir clair. Jusqu’ici localement, des bilans de 15 à 18 morts civils avaient été avancées – et notamment aux militaires FARDC arrivées sur place – mais aussi la disparition de dizaines d’autres, d’où l’inquiétude.
Aujourd’hui, les observateurs redoutent que les enquêtes soient perturbées par cette pression communautaire et politique.
Du côté des banyamulenge, on s’agace face à ce qu’ils présentent comme une manipulation. « On aimerait voir la même mobilisation quand nous sommes visés », dénonce ainsi un notable.